Réunissant les chercheurs des universités lyonnaises et grenobloises qui consacrent leurs travaux aux littératures d’Europe centrale et orientale, et de Russie, ce séminaire inter-laboratoires s’ouvre cette nouvelle année 2022 avec quatre rencontres qui auront lieu à la Bibliothèque Diderot de Lyon en février et mai, et deux rencontres à l'université Grenoble Alpes en janvier et avril, sur site ou en visioconférence selon l'évolution du contexte sanitaire.
PROGRAMME
Séance 1 | L'espace anti-utopique de New York à Moscou
Organisée et animée par :
Anna Saignes, maîtresse de conférences HDR en littérature comparée et
Célia Mugnier, doctorante en littérature comparée
(
Litt&arts, Université Grenoble-Alpes)
- Anna Saignes | La pensée politique de l'anti-utopie
Les anti-utopies de Evgueni Zamiatine, Aldous Huxley, George Orwell et Ray Bradbury ont donné une forme fictionnelle à l’expérience totalitaire. Dans un monde où les tyrannies ont changé de forme, il fallait renouveler l’écriture de l’anti-utopie. C’est ce qu’entreprennent Tadeusz Konwicki en Pologne (
La Petite Apocalypse, 1979), Michel Houellebecq en France (
Les Particules élémentaires, 1998) et Tatiana Tolstoï en Russie (
Le Slynx, 2000). Nourri des analyses de Hannah Arendt et de Claude Lefort, cet essai montre comment la fiction anti-utopique contemporaine a élaboré une pensée du politique et des menaces qui pèsent sur la démocratie jusque dans ses évolutions les plus récentes.
- Célia Mugnier | Welcome to Zombieland : morts-vivants et post-apocalypse, de la pop-culture anglo-saxonne à l’anti-utopie post-soviétique
Il s’agira dans cette communication de comparer plusieurs figures de morts-vivants dans deux sphères culturelles et géographiques différentes. Depuis la chute de l’URSS, l’ouverture du marché du livre à des influences diverses a permis à la fantasy anglo-saxonne de rencontrer un succès non négligeable auprès d’un public russe avide de découvertes littéraires. Les créatures issues de la pop culture américaine, telles que mutants, vampires ou zombies, trouvent un écho important dans la Russie post-soviétique. Mais peut-on comparer les vampire fictions du monde anglo-saxon à celles du monde russe ? La métaphore du zombie a-t-elle la même signification dans le contexte post-soviétique et dans le contexte nord-américain ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles nous chercherons à répondre. Le corpus hybride que nous étudions (Victor Pélévine, Vladimir Sorokine) sera également l’occasion de questionner l’incorporation d’élément issus de la culture mainstream dans des œuvres académiquement reconnues.
Séance 2 | Le théâtre russe contemporain : Ivan Vyrypaev et les autres
Organisée par Ludmila Kastler, avec Alexei Evstratov (Université Grenoble-Alpes), Gilles Morel et Lucie Kempf (Université de Lorraine)
- Ludmila Kastler | Ivan Viripaev : une voix singulière, une voie hors pair
Ivan Viripaev, dramaturge, metteur en scène, comédien et réalisateur, occupe une place exceptionnelle dans l'espace théâtral russe depuis le début des années 2000. Une des figures de proue du mouvement « Nouveau drame », co-fondateur du Centre de la pièce nouvelle et sociale Teatr.doc (de concert avec E. Grémina, M. Ougarov et M. Kourotchkine), Viripaev surprend par sa philosophie artistique paradoxale. Selon M. Lipovetsky et B. Beumers (2009), le dramaturge préconise la fonction sacrale du théâtre contemporain tout en déconstruisant les valeurs « traditionnelles », à savoir les dix commandements bibliques (Oxygène), la lucidité chrétienne (Juillet), l’existence de Dieu (Genèse n° 2). L’art dramatique de Viripaev est souvent basé sur l’ambiguïté et un dualisme teintés d’ironie : réalité / mensonges (Les guêpes de l’été nous piquent encore en novembre), réalité / illusion (Illusions), violence / amour (La ligne solaire) ou encore la polyphonie discordante (Сonférence iranienne). Les pièces de Viripaev jouissent d’un grand succès auprès des metteurs en scènes et du public russes. Leur présence sur les scènes russes était très visible ces dernières années jusqu’à l'annonce par le dramaturge de sa décision de verser les droits d'auteur de ses pièces à un fonds humanitaire d'aide aux réfugiés ukrainiens. Depuis cette déclaration, toutes les mises en scène des pièces de Viripaev (une quarantaine) sont déprogrammées en Russie.
- Gilles Morel | Ivan Viripaev sur les scènes francophones
L’histoire d’Ivan Viripaev en France commence en 2001. Depuis, chaque saison théâtrale l’a enrichie de nouveaux chapitres. La distance est suffisante pour une manière de bilan de deux décennies d’engagement de Tania Moguilevskaia et Gilles Morel à ses côtés. L’accent sera mis sur une évaluation quantitative (nombre de mises en scènes distinctes et de représentations, pièces les plus montées...), sur les stratégies adoptées (notion de « flux tendu » appliquée dans les domaines de la traduction, de la production, de l’édition, de la communication et de l’analyse), sur les étapes-clés, les moments forts et les loupés, les partenariats, les adjuvants (et les opposants) qui ont fait d’Ivan Viripaev le dramaturge contemporain russe vivant le plus présent sur les scènes en France, en Belgique, en Suisse, au Canada. Le fil d'actualité des créations et tournées francophones d'Ivan Viripaev est disponible
ici.
- Alexeï Evstratov | Conférence iranienne d’Ivan Viripaev : un spectacle-conférence et ses enjeux
A l’heure des conférences-spectacles qui cherchent à rendre accessible un savoir spécialisé, Ivan Viripaev entreprend dans la Conférence iranienne (2018) la démarche inverse : c’est une conférence, un tour de parole didactique, adressé à un public averti, qui fournit le cadre rhétorique pour l’écriture dramatique. Pour réfléchir sur les effets de ce choix d’un « mode d’expression à priori non-artistique », cette intervention s’intéressera aux précédents dramatiques de telle hybridation discursive. Pour obtenir l’accès au texte de la pièce, merci d’écrire à l’adresse suivante : Alexey.Evstratov@univ-grenoble-alpes.fr
- Lucie Kempf | Le travail du Théâtre KnAM,
Depuis 2006, à Komsomolsk-sur-l’Amour, le Théâtre KnAM se consacre aux formes documentaires et crée des spectacles traversés par un fil rouge, celui de la mémoire entravée. Que les productions de ce tout petit théâtre indépendant abordent des questions sociales (par exemple le suicide chez les jeunes ou la possibilité / l’impossibilité d’être heureux dans la Russie d’aujourd’hui) ou des problèmes plus directement politiques (le conflit tchétchène, les traumatismes collectifs de la période soviétique), un leitmotiv revient d’un spectacle à un autre, celui d’un pays souffrant d’amnésie collective, hanté et empoisonné par un passé jeté aux oubliettes. Nous tenterons de dégager la manière dont cette thématique s’est progressivement articulée pour dresser un portrait glaçant de la Russie contemporaine.
Séance 3 | L'underground en RDA et Tchécoslovaquie
Organisée par Hélène Martinelli, avec Myriam Geiser (Unviersité Grenoble-Alpes) et Petra James (Sorbonne Université)